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Jun 10, 2023

La physique

Tout étudiant en physique sait, dès ses premiers cours d'optique, que la lumière se déplace en lignes droites, sans être affectée par les autres rayons lumineux : les faisceaux de deux lampes de poche ne rebondissent pas l'un sur l'autre. Cependant, Martin Wimmer de l'Université Friedrich Schiller de Jena, en Allemagne, et ses collègues ont utilisé une technique basée sur une dimension dite synthétique pour créer des impulsions de lumière qui interagissent et se comportent collectivement comme un superfluide [1]. Ce faisant, ils ont démontré qu’il s’agissait d’une plate-forme réglable pour explorer l’interaction entre les interactions à N corps, la topologie et la dissipation, caractéristiques essentielles à de nombreux domaines de la physique.

Pour comprendre la dimension synthétique, cruciale dans ces expériences, notons qu’une dimension habituelle de l’espace est définie à travers un ensemble de lieux combiné à une notion de « localité » : les particules peuvent interagir et se déplacer uniquement vers des lieux proches. Les dimensions synthétiques reproduisent cette localité en utilisant des degrés de liberté non spatiaux, ce qui peut offrir une plus grande flexibilité d'ingénierie et de mesure, par rapport aux dimensions spatiales. Les chercheurs ont déjà profité de ces avantages en implémentant des dimensions synthétiques sur un certain nombre de plates-formes, qu'ils ont utilisées pour étudier une physique passionnante, notamment le couplage spin-orbite et une multitude de phénomènes topologiques [2, 3].

Pour réaliser une dimension synthétique de la lumière, Wimmer et ses collègues utilisent un réseau de maillage optique : une configuration expérimentale dans laquelle les temps d'arrivée des impulsions lumineuses servent d'analogue de position (Fig. 1). Dans leur expérience, le temps est divisé en intervalles T, et chaque intervalle représente un pas de temps discret, t=1,2,… . Les positions discrètes correspondant aux sites sur un réseau (x=…,−2,−1,0,−1,2,…) sont cartographiées sur cette séquence temporelle sous forme de sous-intervalles séparés les uns des autres par Δt. Une impulsion arrivant à T représente par exemple la position du réseau x = 0, tandis qu'une impulsion à T - Δt représente x = - 1. Le passage d'une position du réseau à une autre (par exemple de -1 à -2) correspond à un changement du temps d'arrivée de l'impulsion lumineuse par rapport à T (en l'occurrence de T-Δt à T-2Δt). Ce processus imite le mouvement dans l'espace réel : comme une particule ne peut se déplacer dans l'espace qu'en passant par des points proches, son analogue dans la dimension synthétique ne peut se déplacer que vers des sites de réseau proches.

Pour mettre en œuvre un tel mouvement dans la dimension synthétique, les chercheurs relient deux boucles de câble à fibre optique de longueurs légèrement différentes via un séparateur de faisceau. La lumière se propage autour de la boucle courte en temps T−Δt et autour de la boucle longue en T+Δt. Par conséquent, une impulsion lumineuse à la position synthétique x et au pas de temps synthétique t sera décalée vers x−1 ou x+1 au pas de temps t+1 si elle passe par la boucle courte ou longue, respectivement. Une fois qu'une impulsion a terminé une boucle, le séparateur de faisceau la divise en deux parties égales qui continuent à travers les deux boucles.

Bien que ce mouvement synthétique ne soit pas très intéressant en soi, le système physique spécifique dans lequel la dimension synthétique est réalisée permet des capacités puissantes. Ici, la réponse diélectrique non linéaire de la fibre utilisée dans l'expérience produit un déphasage dépendant de la puissance, ce qui signifie que plusieurs impulsions lumineuses interagissent lorsqu'elles se chevauchent dans une boucle. Ces interactions modifient le comportement du système, passant de celui d'un gaz parfait à celui d'un fluide. Des réseaux de mailles optiques présentant de telles interactions lumière-lumière ont déjà été utilisés pour étudier des phénomènes tels que les solitons [4, 5] et les effets topologiques non hermitiens [6-8], mais les propriétés des fluides résultant des interactions et du mouvement, en particulier les superfluides. comme le flux, n'ont pas été observés jusqu'à présent.

Wimmer et ses collègues mesurent la vitesse du « son » dans ce fluide lumineux, où le son fait référence aux ondes qui se propagent dans la dimension synthétique. Leur technique s'apparente à celle de laisser tomber une pierre dans un étang : en repoussant une partie de l'eau de l'étang, la pierre provoque des ondulations, qui se propagent à la vitesse des vagues. Dans cette expérience, le « bassin » est un fluide à peu près homogène s'étendant sur une dizaine de sites synthétiques ; la « pierre » est une force répulsive que les chercheurs génèrent autour de quelques sites au centre du fluide. Cette force répulsive produit des ondulations de lumière qui se propagent vers l’extérieur dans la dimension synthétique à la vitesse du son du superfluide lumineux. Les mesures de la façon dont les ondulations se propagent concordent qualitativement (avec quelques écarts probablement dus à des imperfections expérimentales) avec la théorie hydrodynamique. Concrètement, la lumière agit comme un superfluide, qui traverse les obstacles sans se dissiper.

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